Depuis plusieurs semaines, nous sommes confinés dans nos logements, dans nos comportements
par une décision politique décidée devant cette nouvelle pandémie. Les médias ne sont
pas confinés dans leurs discours confirmés par de très nombreuses interventions de
professeurs (beaucoup), de connaisseurs, de scientifiques, de philosophes, d’économistes
(moins) qui sont tous des experts. Un certain nombre est sélectionné par le gouvernement
pour devenir le comité scientifique à l’origine des décisions politiques décidées
pour nous protéger de cette pandémie, donc de la mort ! Mais que savent-ils de ce
coronavirus, que savons-nous de ce miasme même si jour après jour, on découvre telle
caractéristique, telle conséquence, tel espoir ? Nous sommes presque dans le même
état qu’étaient nos ancêtres en 1348 devant la peste noire ! Et si il en est ainsi,
il est probable que les conséquences humaines, sociales, économiques qui nous attendent
seront aussi importantes qu’elles le furent à la fin du XIVe siècle et après. Donc
comme à mon habitude, repenchons nous sur l’histoire. Le XIIIe siècle est une grande
étape dans la construction de la France, mais aussi de l’Europe. La France devient
Nation après Bouvines, la royauté devient puissante et impose ses lois, le commerce
est florissant, les artisans s’organisent en corporations, en confréries, dans les
campagnes on défriche pour augmenter les surfaces cultivables, les industries se développent,
la condition des ouvriers s’améliore et le servage diminue. La France devient belle
avec ses cathédrales, intelligente avec la création des universités. Cela va perdurer
jusqu’au début du XIVe siècle sous le règne de Philippe IV le Bel marqué par l’arrivée
de la Papauté en Avignon et la lutte contre les Templiers et leur malédiction. En
ce début du XIVe siècle, l’histoire retiendra, outre des famines, la fin de la dynastie
des Capet avec le règne de Philippe VI de Valois qui a pour conséquence le début de
la Guerre de Cent ans, dix ans avant que l’Europe subisse la peste noire et la disparition
de la tierce partie du monde selon Froissart, c’est-à-dire la mort de 25 à 50 millions
d’individus ou encore entre 25 à 50 % de la population européenne. Pour l’Occident,
c’est la fin de la prospérité générale et la confiance qui régnaient depuis le XIIIe siècle.
Quelle furent les conséquences de cette peste noire ?
Démographiques
La première et principale fut cette mortalité énorme touchant la population européenne
que l’on ne peut pas comparer à ce que nous vivons actuellement même si quatre milliards
d’humains sont confinés. Dans notre histoire, les chiffres de cette mortalité peuvent
se retrouver avec la grippe espagnole de 1918 mais les chiffres de cette dernière
concernent la population mondiale et non pas européenne. Cette dépopulation des villes
surtout mais aussi des campagnes fait que le travail ne peut plus se faire normalement
puisque la main d’œuvre s’est raréfiée, que la consommation diminue donc que les prix
baissent, que les rentrées fiscales font de même, que les guerres se calment mais
que l’insécurité grandit car paradoxalement, la famine se redessine après celle de
1347. Dans les campagnes, cette diminution de main d’œuvre fait que l’on abandonne
les terres pour qu’elles deviennent des friches, donc la production diminue, les corvées
disparaissent ce qui entraîne un exode de la population restante vers les villes où
la peste est beaucoup plus présente. Dans les villes, certaines professions sont beaucoup
altérées par la peste que d’autres, ce sont les métiers de bouche et de textile car
les rats y sont attirés (meunier, boulanger, boucher, confection, etc.), contrairement
aux professions maniant marteau et enclume, professions bruyantes qui font fuir les
rats. Dans les deux cas, ce manque de bras fait que le coût du travail devient beaucoup
plus cher, donc difficile à assurer par les ordonnateurs. Les ouvriers qualifiés sont
hors de prix quand ils ne sont pas morts. Les grands chantiers s’arrêtent comme celui
des cathédrales qui ne reprendra qu’un siècle plus tard avec un nouveau style de gothique,
le gothique flamboyant. Les gouvernements intervinrent pour limiter les hausses et
fixer les prix mais sans grande efficacité et souvent au grand mécontentement de chacun,
voire en révolte (déjà les gilets jaunes !). Au total, c’est tout le commerce qui
diminue, tant national qu’international, car pour éviter l’extension de l’épidémie,
les limites des états (et ils étaient très nombreux du fait du peu d’unité des grandes
nations) se ferment, les foires disparaissent, les importations ou exportations maritimes
ou terrestres se raréfient.
Sociales
La deuxième est sociale car l’extinction de familles entières tant à la campagne que
dans les villes, les vindictes de la population vis-à-vis de catégories sociales comme
les juifs souvent moteurs du commerce quand ils n’ont pas été déjà chassés comme en
Angleterre à la fin du XIIIe siècle, la diminution du corps des notaires réglant déjà
les successions donc avec une certaine honnêteté, font que les richesses vont changer
de mains et vont faire apparaître de nouveaux maîtres en particulier dans la bourgeoisie.
C’est ainsi que la dynastie des Médicis à Florence vit le jour et qu’elle gouverna
la France deux siècles plus tard. Comme nous l’avons vu, cette modification va entraîner
la fin du servage qui était le principal statut de travail des paysans au profit des
seigneurs. Les paysans font valoir leur droit et obtiennent leur affranchissement
pour continuer à travailler la terre comme métayers ou locataires permettant aux seigneurs
d’avoir des revenus. Cette révolution se continuera très longtemps et sera à l’origine
des Jacqueries de la fin du XIVe et du XVe siècles. C’est un changement dans le rapport
de force entre les classes des sociétés française et européenne.
Sur l’hygiène
La santé car l’hôpital a été très défaillant lors de cette épidémie et même si les
médecins n’ont guère avancé dans le traitement de cette peste, la notion de contagion
fera chemin L’hôpital était au Moyen Âge surtout un lieu d’accueil, un hospice géré
par l’Église. Il va devenir un lieu où la santé va être le centre des préoccupations.
C’est la naissance de l‘hôpital « moderne » !
La recherche de traitement pour guérir ou se protéger de la peste va faire l’essor
de la parfumerie car les herbes aromatiques auraient la vertu de chasser le mal. C’est
la naissance de l’Eau de Cologne et en Provence, la lavande prend toute sa place.
L’amélioration des revenus, la peur de la contagion feront que les maisons seront
plus saines, on va séparer les locaux d’habitation des étables, les latrines vont
voir le jour dans les maisons individuelles. Une certaine hygiène apparaîtra, mais
les rues resteront jusqu’au XIXe siècle des zones très sales. L’épidémie de choléra
des années 1830 permettra de créer dans les villes les égouts en particulier dans
les zones d’habitation du peuple car la bourgeoisie, les nobles, les riches se logeaient
sur le haut du pavé.
Religieuses
Comme le reste de la population, le clergé va être frappé par la peste et perdre de
nombreux prêtres, moines laissant un vide dans les paroisses. Ce fléau brutal ne sera
pas compris et nombre d’individus considéreront que l’Église n’a pas su les protéger,
d’où une certaine défiance sans parler de ce que nous avons déjà évoqué, les persécutions
des juifs. Il apparaîtra des mouvements religieux comme les flagellants qui draineront
nombre de population pour vaincre le mal. Tous ces doutes vis-à-vis de l’Église chrétienne
feront au fil des années le lit de la Réforme à commencer par Jan Hus dès le début
du XVe siècle.
Sociétales et politiques
Sur le plan de la société, outre la guerre de cent ans qui comme toutes les guerres
mettent à mal l’économie donc favorisent l’aggravation de la pauvreté, les effets
collatéraux de la mort de millions d’êtres humains favorisent l’angoisse, la famine,
les conflits familiaux ou sociétaux sans parler des conséquences économiques qui suivront
le retour à un état de normalité avec moins de contagion. Il suffit de regarder tous
les jours les médias pour se rendre compte que nous vivons la même situation.
Sur les plans artistiques et littéraires, suite à la peste noire, il apparut dans
les églises des tableaux représentant l’omniprésence de la mort avec par exemple les
Danses macabres, les représentations de l’Apocalypse ou des retables comme celui d’Issenheim
en Alsace. La littérature n’est pas en reste dans l’œuvre de Boccace (Le Décaméron)
ou Pétrarque. Au XXIe siècle, pas de peinture encore, pas de littérature mais un tsunami
de messages sur les réseaux sociaux plus ou moins humoristiques qui, pour certains
resteront comme les slogans que l’on a vus fleurir en mai 1968, par exemple. Certains
messages sont ainsi des œuvres d’arts : les poèmes, les chansons ou même certains
petits films.
Cette peste marque la fin du Moyen Age avec les trois ordres : les seigneurs et princes,
le clergé et le peuple (ce qui me rappelle un peu le début de la révolution française).
En effet les possédants ne seront plus les mêmes car il y a la naissance d’une certaine
bourgeoisie dans les villes ; à la campagne ce sont les fermiers qui se sont enrichis
et ont commencé à mécaniser les campagnes pour compenser le manque de bras, une petite
noblesse rurale a vu le jour. Leur pouvoir va aller en croissant pour même devenir
politique et intervenir dans la gestion de la société. Il ne faut pas oublier en plus
que malgré une certaine trêve entre anglais et français, la guerre de cent ans a repris
de plus belle (bataille de Poitiers 1356) et durera jusqu’en 1453 (!), que de nouvelles
épidémies localisées de peste surviendront, souvent accompagnées de famines. C’est
dire que le siècle qui a suivi la grande peste noire, ne permit pas à l’Europe ou
à la France de se rétablir normalement. Les historiens considèrent en général que
la date de 1450 est celle du rétablissement de la normalité. Au total, l’épidémie
de la grande peste noire de 1347 fut le point de départ d’un énorme chambardement
de la société du Moyen Âge et a permis une évolution de l’Europe occidentale vers
les temps moderne et un peu la Renaissance.
Mais pourquoi toutes ces histoires anciennes qui n’ont rien à voir avec le Covid-19 ?
Tout simplement parce que nous sommes dans une vraie pandémie et surtout au début
de cette pandémie virale, tout au début. En effet, comme pour la peste, les conséquences
se feront certainement sentir dans de nombreuses années, certainement pas pour les
mêmes causes, en particulier la mortalité. Bien que ce virus inconnu ait permis le
confinement de milliards d’individus et de quelques millions de malades, la mortalité
reste actuellement très minime. Il faut se rappeler que la grippe de Hong Kong en
1968 a fait plus de 31 000 morts en France, c’était il y a 50 ans ! Par contre que
de ressemblances entre la grande peste noire et le Covid-19 :
•
le même inconnu ou presque à propos du miasme provocateur ;
•
le même délire médiatique quant à son origine et ses inconnues ;
•
le même doute quant à l’avenir proche de l’évolution de la pandémie ;
•
certainement les mêmes conséquences économiques voire pires en ce temps de mondialisation
extrême ;
•
le même désarroi de l’hôpital sans parler de la mort des soignants ;
•
la même impréparation de l’État ou des États alors qu’on aurait dû anticiper car ce
n’est pas la première pandémie (H1N1 en 2009).
Donc attention aux propos de ces experts scientifiques, économistes ou politiques
qui malgré l’absence de boule de cristal permettant de prévoir l’avenir, émettent
beaucoup de solutions permettant de vaincre cette pandémie comme l’étaient, il y a
sept siècles, certains prédicateurs. La parole de l’Église du XIVe siècle est remplacée
par celle des scientifiques. Et heureusement que lors de la grande peste du Moyen
Âge, les médias n’étaient pas ce qu’ils sont actuellement sans oublier les réseaux
dits sociaux.
Nous sommes dans le doute et le doute doit rester la ligne maîtresse de notre pensée.
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.