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      Report on conference of European Association of Social Anthropologists, Maynooth, Ireland, 24–28 August 2010

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      Review of African Political Economy
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            Imaginaires identitaires, stratégies de survie et rôle de l’Etat : Parcours transnationaux

            La mobilité sociale et la confrontation de systèmes de valeurs ont toujours été deux volets prioritaires du débat des conférences de l’EASA (European Association of Social Anthropologists). La dernière rencontre, centrée autour du thème « Crisis and Imagination », témoigne d’une poursuite de la réflexion approchant le thème de la mobilité à partir des nodalités de situations locales et transnationales de ‘crise’ et des stratégies et représentations engagées dans ce cadre par les acteurs sociaux en place. Le but de la conférence était de mettre en évidence les nouveaux imaginaires qui sous-tendent les pratiques du social (mouvements religieux, fondamentalismes, altermondisme, etc) issues de la transnationalisation des relations sociales et des rapports de souveraineté et d’analyser les effets de changement enchâssés dans les conjonctures de crise.

            La question du rôle de l’Etat et, par conséquent, les implications locales du pluralisme juridique, ont représenté des volets de débat saillants. D’une part, les mobilités locale et transnationale semblent confrontées à la gestion, par les Etats-souverains, des sphères individuelles et collectives fonctionnelles à la représentation et à la pérennisation de la machine étatique. D’autre part, les processus de mondialisation ont abouti à une acception des relations sociales de plus en plus plurielle et détachée des frontières législatives nationales, issue d’ « échecs de l’imaginaire », tels, par exemple, les paradigmes du monopole d’Etat de l’outil juridique. La pluralité d’acteurs concernés par la « normation » de la vie quotidienne (institutions, organisations internationales, organisations non gouvernementales [ONG], mouvements sociaux, associations locales, individus) a ainsi abouti à une « alchimie institutionnelle » issue d’arènes sociales transversales de plus en plus contestées et mutuellement conditionnées (Zerilli 2010, p. 7). Cette fragmentation structurelle des terrains de gestion du quotidien a comporté un progressif assouplissement de la sphère juridique et, dans la pratique, de la nature coercitive de l’outil législatif en faveur d’une loi souple (« soft law ») censée mieux s’adapter à la pluralité des logiques et des pratiques transnationales (Zerilli 2010). Ainsi, plusieurs ateliers ont analysé la dimension représentationnelle de la gestion du pouvoir dans la mesure où la conception ontologique de la souveraineté a laissé la place à une « legal consciousness » ancrée dans les pratiques du quotidien. Dans cette optique, la souveraineté, autrefois incarnée par la loi d’Etat, s’identifie dans l’essor d’une forme d’autorité dérivée de la violence censée forcer la loyauté, la peur et la légitimité à tous les niveaux de la chaîne sociale (Blom Hansen and Stepputat 2006).

            Le thème des imaginaires étatiques, collectifs et individuels, s’est reflété dans le choix des séances plénières. Pour ne citer que quelques exemples, se penchant sur les représentations générées par la violence, Talal Asad (City University, New York) a analysé la perception de la violence dans la lutte contre le terrorisme engagée par le gouvernement du Président Obama. En analysant le paradoxe d’une violence qui est, à la fois, subie et pratiquée par l’Etat américain Asad aboutit, en dernière instance, à une philosophie de ‘cruauté dans la compassion’. Paul Richards (Université de Wageningen) a proposé une réflexion sur les auto-représentations des miliciens en Sierra Leone à travers la relecture proposée par Mary Douglas du concept durkheimien d’effervescence.1 Parmi les jeunes chercheurs, Katia Sejdel (Vienna University/NUI Maynooth) a illustré plusieurs cas de la réception populaire, en Argentine, du concept de ‘génocide’ tels que l’ONU le conçoit, appliqué aux crimes de masse perpétré par le régime de Pinochet.

            L’un des ateliers (092), Frontiers of 'legality' under neoliberalism: ethnographic explorations across shifting temporal and spatial scales (Présidents: Filippo Zerilli, Université de Cagliari et Berardino Palumbo2, Université de Messina) constitue un exemple assez éclairant de l’approche ‘par le bas’ des mécanismes structurels de mise en place des représentations coercitives de l’Etat et, de réflexe, des stratégies de réaction à celles-ci. Les orateurs ont sondé aussi bien les représentations qui sous-tendent la construction politique de l’illégalité que l’organisation sociale des circuits informels ou clandestins locaux (produits de contrebande et de contrefaçon, migrants, objets d’art). En dernière instance, une confrontation s’est dessinée entre l’essence matérielle et corporelle des sujets de l’apparat juridique et normatif. La perspective de la matérialité sous-tend une représentation étatique réifiée des entités labellisées comme ‘illégales’ à travers le « fétichisme de la loi » : médiatisation des ‘corps du délit’ – portraits-robot, photos, ‘paysages du crime’, statistiques et classifications – aux fins du contrôle politique. Ainsi, à travers une synergie de « spatial scenes » et de « disjonctive temporalité » censée bâtir un horizon collectif d’intégration nationale, l’Etat constitue des relations d’identification aptes à transformer les individus et les corps en représentations d’une entité abstraite (Axel 2002). En même temps, la légalisation de la vie publique a alimenté l’essor de ‘communautés’ marginales ‘hors la loi’, bourgeonnant à l’ombre de l’Etat, qui s’approprient les significations de l’Etat et du marché (Comaroff and Comaroff 2007). Une approche de la corporalité des réseaux marginaux est censée ainsi éclairer, à la fois, l’organisation sociale des réseaux et les systèmes de représentation qui sous-tendent les pratiques des parcours marginaux. Ces deux approches se confrontent dans la mesure où la première abouti à l’objectivation de ses sujets, la deuxième à la multiplication des variantes (stratégies de survie économique, classe sociale, réseaux de domination et d’assujettissement).

            La réflexion sur le rapport entre dynamiques de criminalisation et maintien des pouvoirs forts de l’Etat montre ainsi que la conformation des comportements collectifs à travers la politique pénale ne vise pas nécessairement à l’extinction du crime et de l’illégalisme (Foucault 2004). Au contraire, une telle conformation creuse des domaines d’intersection et d’interaction entre cœrcition étatique et trajectoires criminelles individuelles. Les écarts de la co-habitation entre législation nationale et norme sociale génèrent ainsi des espaces interstitiels de survie économique et des parcours d’auto-représentation de prestige et de héroïsme. Dans ce cadre, l’apparat législatif de l’Etat est contourné, réexploité ou dépassé à travers la mise en place d’outils symboliques de gestion et de réduction du risque ainsi que d’optimisation des stratégies d’accumulation. Par ailleurs, la gestion du risque a fait l’objet du workshop 098 Chance in time of crisis (Présidents : Riccardo Ciavolella, CNRS Toulouse, Université de Teramo et Lorenzo D’Angelo, Université de Milano-Bicocca) à travers l’analyse des représentations sociales de la ‘chance’. Les orateurs ont montré que la production d’outils symboliques de réduction du risque est d’autant plus articulée que l’aide de l’Etat est perçue comme absente ou insuffisante.

            La réglementation de l’ ‘immigration clandestine’ au sein de l’Union européenne constitue un exemple probant de la nécessité d’une synergie d’approches des stratégies de construction des ‘illégalités’ et des ‘criminalités’ par l’Etat et, en même temps, des stratégies de résistance et des auto-représentations mises en place par les acteurs classés comme ‘illégaux’. L’atelier 054 Understanding Mediterranean transit migration (Présidents : William Cavanagh, Université de San Pablo et Jutta Lauth Bacas, Académie d’Athènes) a proposé une large palette d’ethnographies de la migration internationale à travers, dans la plupart des cas, la collecte de témoignages vécus.3 Ainsi, l’on compare le caractère homogénéisant et réitéré du discours politique véhiculé au sein de l’Union européenne, aboutissant à l’objectivation des la migrants, à la variété des trajectoires individuelles (variantes de genre et générationnelles) et à l’analyse des contextes de départ des migrants. Les différentes communications présentées au sein des ateliers qui ont touché au thème de l’immigration4 ont montré que la construction politique du migrant ‘illégal’ ne relève pas seulement de la violation d’une perception identitaire du monde mais aussi d’une vision capitaliste de la circulation des personnes (Khosravi 2007). Un décalage évident semble ainsi se manifester, au niveau de l’Etat, entre la volonté d’unifier les marchés des capitaux et des marchandises et les politiques de cloisonnement de la force de travail (Bayart 2004).

            Le renvoi des communications aux thèmes que je viens de présenter a été constant. Néanmoins, aussi bien l’engagement émotionnel qui a accompagné les présentations des jeunes chercheurs que l’empreinte plus théorique proposée par les chercheurs seniors posent, une fois de plus, la question du rôle de l’anthropologie sociale aujourd’hui.5 L’appel à conférence de cette édition souligne la nécessité d’une démarche anthropologique qui continue de repérer les systèmes de représentation qui sous-tendent le changement social et l’innovation issue de contingences de ‘crise’ plutôt que la pratique d’une anthropologie militante et/ou appliquée. Cependant, la complexité des thèmes abordés à Maynooth reflète, une fois de plus, le décalage entre l’enregistrement ponctuel des nodalités de transformation sociale transversale et hétérogène accéléré et les faibles retentissements de la discipline auprès des institutions, des média et, en général, de l’arène sociale et politique. Pour ne citer qu’un exemple, l’endurcissement des politiques sécuritaires en Europe s’est traduit, en Italie, par l’avancée du consensus populaire à l’égard de la Ligue du Nord et de sa politique xénophobe d’ ‘hygiènisation’ de la société italienne. Cela s'est traduit par une tendance nationale de discrimination répandue et, souvent, inconsciente.6 L’omniprésence du message xénophobe de la Ligue du Nord dans les média et, surtout, les stratégies rhétoriques qui l’accompagnent, déterminent, finalement, une inversion du sens des faits humains. Cette inversion, résultant de ruse politique et d’ignorance des rapports relationnels, véhicule un message déviateur et simplificateur d’autant plus puissant que l’intelligentsia semble ne pas trouver de canaux de communication efficaces.7 Paradoxalement, si l’on peut concevoir, justifier ou refuser, une « Embedded anthropology » pour les contextes de guerre, l’on a du mal à trouver des modèles anthropologiques viables dans le coude-à-coude quotidien du paysage des micro-pouvoirs sociaux et politiques de chez soi. L’atelier 042 Engaging anthropology in practice: pedagogical exchanges with media practitioners 8 a posé une série de questions dans cette direction: de quels outils l’anthropologie dispose-t-elle pour joindre le grand public et pas seulement le public académique? Peut-on ‘communiquer’ la théorie ? Dans quels termes l’anthropologie peut-elle contribuer à un dialogue interculturel et interdisciplinaire à travers les canaux des média ? Dans quelle mesure peut-elle accroître la qualité des produits médiatiques ?

            Pour conclure, au-delà de quelques bavures logistiques, la conférence EASA de Maynooth a été fort utile, surtout aux jeunes chercheurs, pour réfléchir, dans une perspective transversale et empirique, autour de sujets porteurs du débat anthropologique actuel tels que les effets contemporains du contrôle politique et le rôle des représentations dans la mise en place de stratégies de maintien ou d’évitement des pouvoirs institutionnels en place. Un débat ouvert et médiatisé sur l’apport de l’anthropologie dans la société entre les membres de l’EASA et des représentants de média nationaux serait le bienvenu en perspective de la prochaine conférence biennale.

            Note sur l’auteur

            Cristiana Panella travaille au Département d’Anthropologie Culturelle du Musée royal de l’Afrique centrale. Depuis 1991, elle étudie le marché international de l’art africain, en particulier, le trafic d’objets archéologiques. En 2002, elle a soutenu une thèse en Sciences Sociales : Les terres cuites de la discorde. Déterrement et écoulement des terres cuites anthropomorphes du Mali. Les réseaux locaux, Leiden : CNWS. Actuellement, elle est en train de rédiger un ouvrage d’approfondissement théorique du commerce illicite d’objets d’art et s’intéresse aux représentations politiques de l’illégalité.

            References

            1. Axel B. K.. 2002. . “Fantastic community. ”. In From the margins. Historical anthropology and its futures . , Edited by: Axel B. K.. p. 233––266. . Durham , NC : : Duke University Press. .

            2. Bayart, J.-F., 2004. Le gouvernement du monde: Une critique politique de la globalisation. Paris: Fayard.

            3. Blom Hansen T. and Stepputat F.. 2006. . Sovereignty revisited. . Annual Review of Anthropology . , Vol. 35((1)): 295––315. .

            4. Comaroff J. and Comaroff J. L.. 2007. . Law and disorder in the postcolony. . Social Anthropology . , Vol. 15((2)): 133––152. .

            5. Foucault, M., 2004. Naissance de la biopolitique: Cours au Collège de France. 1978–1979. Paris: Hautes Edudes, Gallimard, Seuil.

            6. Khosravi S.. 2007. . The ‘illegal’ traveller: an auto-ethnography of borders. . Social Anthropology . , Vol. 15((3)): 321––334. .

            7. Richards P.. 2006. . An accidental sect: how war made belief in Sierra Leone. . Review of African Political Economy . , Vol. 33((110)): 651––663. .

            8. Rivera A.. 2009. . Regole e roghi. Metamorfosi del razzismo . , Bari : : Dedalo. .

            9. Zerilli F.. 2010. . The rule of soft law: an introduction. . Focaal . , Vol. 56:: 3––18. .

            Notes

            Footnotes

            Richards avait remarquablement analysé ce thème dans l’article : « An accidental sect: how war made belief in Sierra Leone » (Richards 2006).

            A la suite d’un contre-temps, Berardino Palumbo a été représenté par Madeleine Reeves (Université de Manchester), discutante de l’atelier.

            Au niveau méthodologique, l’on doit remarquer une attention excessive pour les témoignages vécus et, en général, pour l’approche empirique des contextes de migration internationale et le manque assez criard d’apports théoriques et comparatifs.

            Sur ce thème, l’on signale aussi les ateliers 005 « At the margins of Islam in Europe», 011 « Imagined Europe under siege », 036 « Aspiring migrants, local crises, and the imagination of futures ‘away from home’ », 081 « Crisis, pain and well being : the imagining and bearing of refugee/migrants social, moral and existential crisis », 111 « Immigration, security and surveillance » et 115 « In-migration, indigeneity and imagination: or class, community and crisis in Europe».

            Parmi les ateliers qui se sont orientés sur le rôle de l’anthropologie, l’on cite le 004 « Diverse anthropologies with multiple publics: Crisis or imaginative responses ? [WCAA workshop] », 026 « Applied anthropology, crisis and innovation in health and medicine », et 042 « Engaging anthropology in practice: pedagogical exchanges with media practitioners ».

            L’omniprésence du ‘Soleil des Alpes’ et de la couleur vert drapeau, symboles de la Ligue du Nord, dans la conception et l’équipement d’une école communale de la province de Brescia récemment inaugurée témoigne de l’enracinement du discours de la Ligue sur le territoire national, en particulier dans le Nord-Est du pays. L’anthropologue Annamaria Rivera a cité des passages saillants des discours publics racistes, voire anthropophobes, qui ont accompagné, au cours des quinze dernières années, l’ascension politique de la Ligue du Nord et, par conséquent, la progressive réduction du migrant ‘extra-communautaire’ à « nuda vita » (à une vie nue) (Rivera 2009). Comme les communications de Maynooth l’ont relevé, la condition d’aliénation de « nuda vita » est commune à plusieurs parcours migratoires internationaux.

            Un cas emblématique de cette inversion du sens a été la confrontation entre le journaliste Fabrizio Gatti, auteur d’enquêtes bien argumentées sur l’immigration clandestine, et l’actuel président du Piémont, Roberto Cota (Ligue du Nord) sur les émeutes des ouvriers agricoles qui se sont produits dans la ville de Rosarno, en Calabre, début janvier 2010. (Séance du 14 janvier 2010 de l’émission télévisée ‘Annozero’, Rai Due).

            Présidents : Caroline Gatt (Université d’Aberdeen), Rachel Harkness (Université d’Edinburgh), Thomas Hylland Eriksen (Université d’Oslo), Joseph Long (Max Planck Institute for Social Anthropology).

            Author and article information

            Contributors
            Journal
            crea20
            CREA
            Review of African Political Economy
            Review of African Political Economy
            0305-6244
            1740-1720
            March 2011
            : 38
            : 127
            : 169-173
            Affiliations
            a Département d' Anthropologie Culturelle , Musée royal de l’Afrique centrale , Tervuren , Belgium
            Author notes
            Article
            552763 Review of African Political Economy, Vol. 38, No. 127, March 2011, pp. 169–173
            10.1080/03056244.2011.552763
            8ba798c2-fb27-4d2d-aedd-2391d0ac7bd9

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