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      Expertises en temps de crise sanitaire Translated title: Expertises in times of health crisis

      editorial
      La Revue de Médecine Légale
      Elsevier Masson SAS.

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          Abstract

          Difficile de prévoir à l’heure actuelle quelle sera l’évolution de l’épidémie de Covid-191 . La pandémie COVID-19 a conduit le législateur à déclarer l’état d’urgence sanitaire à compter du 24 mars 2020, prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 par la loi du 11 mai 20202 . Depuis le 16 mars 2020, l’activité expertale a été interrompue, comme beaucoup de consultations spécialisées. En revanche, nos consultations de fixation d’ITT, les examens de gardés à vue et le suivi médical des détenus à l’unité sanitaire ont été poursuivis durant tout le confinement, sans soulever de multiples interrogations débattues aujourd’hui dans le cadre de la reprise des consultations spécialisées ou des expertises. Collègues experts, je peux vous assurer que nous aurons une activité importante en 2021 au vu des mises en cause et procédures multiples et variées occasionnées par la crise sanitaire actuelle. Certaines violences ont diminué en particulier à la sortie des bars et boîtes de nuit mais les violences intra familiales ont perduré durant le confinement. Bref, il est bien sûr trop tôt pour disposer d’informations chiffrées et validées mais on peut parier sur de nombreuses expertises liées directement ou indirectement à la crise sanitaire actuelle. Sans même attendre l’épilogue de cette crise sanitaire, des procédures juridictionnelles sont d’ores et déjà engagées à l’encontre de l’Etat et de ses représentants pour « demander des comptes » sur la gestion de l’épidémie. Les procédures visent aussi à « exiger du matériel de protection et des traitements » sur fond de pénurie de certains médicaments anesthésiques par exemple. La crise sanitaire actuelle peut nous faire craindre des procédures diverses, que ce soit au pénal, dans le cadre de l’assurance-maladie mais aussi devant les instances ordinales pour « discrimination » dans l’accès aux soins, non respect de la vie et de la dignité des personnes et défaut d’accompagnement du patient en fin de vie… 3 Le risque de procédure liée à une contamination par le Coronavirus SARS-CoV-2 à la reprise de l’activité soulève de nombreux fantasmes et craintes quant aux responsabilités des médecins et entraîne une surenchère de précautions, au travers d’affiches, de marquage des sols, de questionnaires à compléter avant toute consultation…. Alors que les gestes barrières devraient être connus de tous ; il est demandé aux médecins de les afficher et de les rappeler à chaque consultation ! Toute intervention nécessite de signer de nombreux formulaires de consentement. Les plans de reprise d’activité dans les établissements de santé multiplient les contraintes. « Il pourrait éventuellement être envisagé de demander au malade ayant été infecté par le COVID-19 et ayant obtenu un rendez-vous de consultation de signer à son arrivée au cabinet un questionnaire attestant du respect d’un délai de 15 jours après la fin des symptômes avant de consulter. Auquel cas, le malade devra être prévenu de cette obligation lors de la prise de rendez-vous » 4 . Imagine-t-on réellement pouvoir mettre en œuvre l’ensemble de ces préconisations durant plusieurs mois ? Peu à peu, les activités médicales vont reprendre et le contentieux suivra : les praticiens conseils de l’assurance-maladie vont de nouveau prendre des décisions susceptibles de recours et donc d’expertises de sécurité sociale. Les commissions de conciliation et d’indemnisation nous incitent à reprendre les expertises et les juridictions nous adresseront de nouvelles missions sans doute plus tardivement, après la pause estivale. Sur la réalisation matérielle des expertises En présentiel, aucune réunion ne pourra être tenue, comme par le passé, dans un petit cabinet médical avec les parties et leurs conseils agglutinés autour de l’expert. Une fiche de reprise d’activité à partir du 11 mai 2020 a été proposée par la FFAMCE (Fédération Française des Associations de Médecins Conseils Experts). Il est préconisé l’absence d’accompagnant sauf si cela est indispensable, en particulier pour un enfant mineur ou une personne handicapée dépendante. Cependant, je considère que la victime doit pouvoir venir accompagnée d’un médecin, d’un avocat mais aussi d’un membre de son entourage. La victime n’a pas choisi son expert, doit évoquer son intimité et répondre à de nombreuses questions. Le minimum est d’avoir le choix d’être entourée. De plus, l’accompagnant est souvent source d’informations précieuses en particulier en cas de troubles neurologiques et tout simplement, c’est en général l’accompagnant qui a fait office de tierce personne. Sans parler des cas fréquents où la personne examinée se tourne vers sa mère ou son épouse pour connaître son traitement habituel… La FFAMCE préconise de demander aux participants de « venir avec ses propres équipements de protection (masque, gel hydroalcoolique) si possible. À défaut, le rendez-vous pourra être reporté ». Imagine-t-on réellement refouler une personne qui aurait fait 100 km pour venir à l’expertise parce qu’elle n’a pas de masque ? Il est évident que l’expert devra alors pallier son manquement en lui fournissant un masque. Des recommandations ont été émises par le Conseil de l’Ordre des médecins en date du 24 avril 20205 incitant à la reprise des expertises notamment pour les médecins qui exercent en libéral une activité d’expertise d’assurances. Pour l’Ordre des médecins « Le médecin devra recueillir auprès de l’assuré ou de la victime leur consentement à la tenue de l’expertise, la personne étant avertie précédemment des conditions pratiques de l’expertise dans le contexte pandémique ». Il est évoqué la tenue de réunions d’expertise à distance, par un système de visioconférence. Il convient alors que l’ensemble des parties au dossier soient informées de cette procédure et y adhérent. En cas de désaccord de l’une des parties, il faudra organiser une réunion « physique » en respectant les gestes « barrière ». Les experts sont partagés sur la question mais considèrent que ce serait possible de réaliser des expertises sur un mode dématérialisé, en responsabilité, lorsque la victime est décédée. Il n’y alors pas d’examen clinique. Cinq présidents de commission de conciliation et d’indemnisation (CCI), dans un courrier du 28 avril 2020, proposent l’utilisation de la visioconférence lorsque le dossier concerne un patient décédé ou que l’état du demandeur n’est pas consolidé6 . On pourra objecter qu’il est rare de pouvoir déterminer la date de consolidation avant l’accédit. Les présidents des CCI basées à Bordeaux et à Nancy n’ont pas signé ce courrier7 . De nombreuses applications de communication et de visioconférences peuvent être utilisées (SKYPE, ZOOM, Orange Open Visio, CISCO WEBEX, Microsoft Team ou Tixeo…) mais nécessitent quelques compétences techniques, et peuvent comporter des failles de sécurité. La plupart du temps, la version gratuite limite la connexion à un certain nombre de personnes et/ou à une durée courte. Peu d’experts voudront accéder à une version payante à leurs propres frais. Pour réaliser des réunions par visioconférence, il faudrait être équipé avec ordinateur et webcam et s’assurer que tous les intervenants le soient également. Une difficulté étant d’obtenir les adresses de messagerie électronique de chacun pour les invités à participer, puis que chacun soit en capacité de se connecter avec un débit suffisant. On soulignera qu’à ce jour, les CCI et les juridictions ne nous fournissent que le nom des parties, leur adresse (parfois erronée ou ancienne) et jamais l’adresse électronique ni les coordonnées téléphoniques. Et pour les avocats, on nous indique uniquement leur nom…. à nous de chercher leur adresse et leur mail. Des craintes peuvent s’exprimer sur le respect de la confidentialité des échanges durant l’accédit. Les experts sont ainsi très partagés sur la possibilité de réaliser des expertises en visioconférence du fait des contraintes techniques et de la perte d’informations d’ambiance et d’attitudes. Voir le patient se déplacer dans le cabinet, s’asseoir, s’aider de ses bras pour se lever du fauteuil, se déshabiller puis surtout se rhabiller après l’examen est parfois plus utile que l’examen clinique lui-même. Dans un courrier daté du 4 mai 2020, la commission nationale des accidents médicaux (CNAMed) est plus réticente que les présidents de CCI concernant la visioconférence qui peut être « un obstacle au respect du principe intangible de la contradiction et à l’égalité de traitement des parties à la procédure en favorisant celles accoutumées à ce moyen de communication ». On imagine effectivement que les avocats et les médecins conseils sauront s’exprimer au travers d’un écran alors que le demandeur aura plus de difficultés. Il semble difficile également d’échanger les documents. Scanner un courrier et l’adresser par mail n’est pas si évident pour un certain nombre de personnes, en particulier les plus âgées. À l’heure où nous avons tous fait des progrès en utilisation des modes de communication à distance, il est évident que la visioconférence peut constituer une solution de secours dans certains dossiers mais ne doit pas devenir la norme. À l’évidence, ce serait le meilleur moyen d’éviter une contamination par le SARS-CoV-2. Le risque sanitaire concerne les demandeurs qui sont souvent âgés, qui auront à se déplacer parfois en transport en commun, mais aussi des experts, pas toujours jeunes ! On peut admettre, qu’un médecin ou un avocat puisse assister par visio à l’accedit notamment pour lui éviter de longs déplacements. Concernant les expertises pénales mais aussi les examens médicaux réalisés sur réquisition, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice a répondu à des sollicitations d’experts qu’en l’état actuel des textes et de la jurisprudence, le recours à une visioconférence en matière de médecine légale ne paraît pas justifié. Le recours à la visioconférence est cependant de plus en plus utilisé en matière pénale. L’article 706-71 du code de procédure pénale prévoit l’utilisation de moyens de télécommunications au cours de la procédure pénale et notamment l’audition possible des experts par visioconférence, devant la cour d’assises ou l’assistance d’un interprète par visioconférence au cours d’une audition, d’un interrogatoire ou d’une confrontation. L’examen médical à distance n’est en revanche pas abordé dans cet article706-71. La DACG argumente sur le fait que la télémédecine n’inclut pas la médecine légale dans le champ de ses activités (Article L 6316-1 CSP). Il est vrai que la téléconsultation, c’est-à-dire la consultation à distance entre un médecin et un patient utilisant les technologies de l’information et de la communication, a été pensée et réglementée en tant que soin pris en charge par l’Assurance-maladie. Pourtant, une réflexion sur l’utilisation d’actes de télémédecine pour des examens de gardés à vue et de victimes sur réquisition mériterait d’être menée. À ce jour, le ministère de la justice n’envisage pas d’utiliser la télémédecine pour la médecine légale au plan pénal. Nous ne connaissons pas la position de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice, concernant les expertises civiles. À notre avis, rien ne vaudra les réunions d’expertise en présentiel en respectant les « gestes barrière » et bien sûr dans un grand cabinet, ce qui est plus facile pour les hospitaliers que pour les libéraux et pour les provinciaux que les parisiens. Les dispositions réglementaires actuelles de limitation des réunions à 10 personnes dans les lieux et espaces publics ne visent que les rassemblements privés autres que professionnels (Article 7 du décret n̊ 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, modifié par le décret n̊ 2020-604 du 20 mai 2020). Les réunions professionnelles de plus de 10 personnes sont donc possibles sous réserve du respect des mesures de sécurité sanitaire. Dans la pratique, les poignées de main sont désormais bannies et le port du masque s’est imposé. On peut s’appuyer sur les recommandations du protocole national de déconfinement pour les entreprises du ministère de la justice du 9 mai 2020 et retenir une distance physique d’au moins 1 mètre (soit 4 m2 sans contact autour de chaque personne). Par exemple, une salle de réunion accueillant 10 personnes respectant un espace de 4 m2 par personne, doit donc être de 40 m2. Si la capacité de la salle n’est pas suffisante, et dans la mesure où il est difficile d’anticiper le nombre de personnes présentes à l’accédit, que fera l’expert si les participants sont trop nombreux pour la capacité de la salle ? À défaut de pouvoir trouver une salle suffisamment grande, on pourrait seulement renoncer à la présence de stagiaires et limiter les accompagnants (famille ou entourage) du demandeur à une seule personne. Mais on ne saurait demander à une partie venue accompagnée d’un médecin et d’un avocat de choisir entre les deux ! L’accédit est le moment où le dossier s’incarne, où les versions sont mises en perspective8 , où les émotions se ressentent, où la pédagogie s’opère et ce grâce à l’intervention de tous, parties, avocats et experts. C’est ce que disent les magistrats de l’audience mais c’est vrai aussi pour l’expertise. Pour les patients décédés, l’expertise joue un rôle fondamental pour les familles. Pouvoir exprimer leur souffrance peut les aider à avancer, car on rencontre souvent une grande culpabilité chez les proches des personnes décédées en cas d’infection nosocomiale ou d’accident médical. Dans le cadre des expertises sociales, il serait aussi parfois possible de fonctionner en visioconférence mais avec la difficulté de contacter l’assuré social et qu’il soit en capacité d’utiliser l’outil informatique. Le nombre de participants est alors plus limité avec souvent uniquement la personne examinée et l’expert. La COVID, prise en charge en maladie professionnelle ou en accident de travail ? La Covid-19 sera reconnue de façon “automatique” comme maladie professionnelle (MP) pour le personnel soignant, mais pas pour les autres catégories de travailleurs9 , qui devront se soumettre aux procédures classiques, a indiqué le 23 mars 2020, le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran10 . Cette règle s’appliquerait à tous les soignants à l’hôpital, en EHPAD (établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes), ou en ville, y compris les libéraux. Suite à cette promesse d’Olivier Véran, concernant la reconnaissance de la « maladie professionnelle » pour tous les soignants contaminés par le SARS-CoV-2, le sujet semble générer autant d’interrogations que de faux espoirs. La reconnaissance en maladie professionnelle du COVID promet de très nombreuses expertises sociales ou en médecine agréée pour les fonctionnaires. A ce jour, les personnes atteintes par la COVID qui considèrent avoir contracté le SARS-CoV-2 dans le cadre de leur profession salariée du régime général, ont tendance à déclarer un accident du travail (AT) plutôt qu’une maladie professionnelle (MP), faute de tableau. L’intérêt de la déclaration en AT/MP est de bénéficier d’une présomption d’origine et des prestations en nature (tiers-payant intégral, gratuité des soins dans la limite des tarifs conventionnés, exonération de ticket modérateur, du forfait hospitalier…) et en espèces (indemnités journalières sans délai de carence habituels). Même si des dispositifs exceptionnels ont été mis en place pour les malades du COVID, il reste de nombreux « avantages » à la prise en charge en AT MP et en particulier, s’il persiste des séquelles à la consolidation (versement d’un capital ou d’une rente) ou en cas de décès. Il est effectivement possible de faire qualifier d’accident du travail l’infection par le SARS-CoV-211 . Les juges admettent la prise en charge en accident de travail d’un effet secondaire suite à une injection de vaccin obligatoire dans le cadre professionnel, ou encore l’infection suite à un accident d’exposition au sang. Il faut démontrer la réalité de l’infection et la survenue d’un contact avec une personne malade. En l’absence de tableau, il est cependant déjà possible de faire une demande de maladie professionnelle hors tableau, devant le CRRMP (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles). En maladie professionnelle hors tableau, la victime doit apporter la preuve que sa maladie est « essentiellement et directement causée » par son travail habituel. Il faut aussi que la maladie, entraîne le décès du patient ou un taux prévisible d’incapacité permanente partielle (IPP) supérieur à 25 %12 . Pour atteindre ce taux, il faut par exemple subir des séquelles pulmonaires ou rénales suite à plusieurs semaines en réanimation. Ce taux d’IPP « prévisible » est fixé par le médecin-conseil de l’assurance-maladie et peut être contesté auprès de la CMRA (commission médicale de recours amiable). Concrètement en maladie hors tableau, il y a une perte de la présomption d’origine. L’avis du CRRMP s’impose à l’organisme de Sécurité sociale. Une difficulté est que le caractère fortement transmissible du SARS-CoV-2 limite les possibilités de déterminer l’origine d’une infection. Difficile de dire si on a été infecté au travail, dans les transports, les commerces ou par son entourage. Une fois la maladie professionnelle ou l’accident de travail reconnu, les victimes ont la possibilité d’engager une action en faute inexcusable de l’employeur (FIE), dans le régime général. Le salarié du régime privé doit démontrer que son employeur a commis une faute inexcusable pour espérer obtenir une indemnisation complémentaire en particulier des préjudices extra patrimoniaux, au titre de son AT/MP. Il faut alors exercer une procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire pour faire reconnaître la FIE par exemple en l’absence de recours au télétravail quand cela est possible, absence d’aménagement du poste de travail pour faire respecter la distanciation sociale, ou absence de fourniture des équipements de protection individuelle aux salariés… Si une faute inexcusable de l’employeur est retenue, une expertise médicale sera sollicitée pour évaluer les préjudices indemnisables. Il faudra également s’intéresser aux fonctionnaires et aux agents du service publique, qui comme les salariés du secteur privé, ont un régime plus favorable de protection sociale associé à la reconnaissance des accidents de service et des maladies contractées en service13 . La reconnaissance en maladie professionnelle ou en accident de travail ne concerne que ceux qui ont été infectés au travail. Certains voudraient une indemnisation plus large prenant en compte notamment l’entourage du salarié infecté et soutiennent la création d’un fonds d’indemnisation. Vers la création d’un fonds d’indemnisation ? Dans un courrier du 29 avril 2020, adressé au premier ministre Edouard Philippe14 , l’association Coronavictimes réclame la création d’un fonds d’indemnisation des victimes du Covid-19 (FIVIC) sur le modèle du fond d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA). Pourtant, ce serait plus logiquement, vers l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) que l’on pourrait se tourner. Pour justifier d’un tel fonds, il faudrait au préalable considérer qu’il y a eu une faute de l’État dans la préparation et la gestion de l’épidémie. Une proposition de loi a été déposée le 12 mai 202015 , en vue de créer un Fonds d’indemnisation spécifique pour les victimes du « covid-19 », qu’elles soient salariées dans le secteur public ou privé, indépendants ou bénévoles et, de fait, tous leurs ayants droit. Ce texte est prévu à l’ordre du jour du Sénat le 25 juin 2020. Expertises en responsabilité médicale La crise sanitaire actuelle fait s’interroger les médecins au sujet de leur responsabilité éventuelle. Quelles seront les mises en cause possible dans le cadre du COVID ? Les employeurs s’inquiètent de leur possible mise en cause par un salarié infecté par le COVID, voir même des poursuites pour mise en danger d’autrui, sans besoin que le salarié soit d’ailleurs infecté puisque le danger suffit16 . Diverses plaintes pour mise en danger d’autrui ont été récemment déposées par des familles de résidents d’EHPAD, des détenus, un collectif de médecins ou encore des salariés, visant des ministres, des employeurs, des directeurs d’établissements… L’infraction de mise en danger d’autrui peut-elle être légitimement retenue à l’encontre d’un soignant qui exposerait ou contaminerait un patient, un collègue à l’occasion de soins ? Or, le simple fait de prodiguer des soins ou de ne pas respecter les gestes “barrières”, par exemple, ne présume pas nécessairement d’une exposition directe des tiers au virus puisque le soignant n’est pas nécessairement contaminé. Bien que le SARS-CoV-2 semble particulièrement virulent, la contamination n’est pas systématique. L’exigence tenant à la caractérisation d’un risque immédiat de mort ou de blessures graves ne paraît pas remplie, au regard des données épidémiologiques connues concernant le SRAS-CoV-2. La situation devient plus complexe si un médecin se sait infecter mais continue à exercer et donc ne respecte pas de période d’isolement. La presse a relayé le cas du préfet des Pyrénées-Atlantiques, Éric Spitz, qui a annoncé le 1er avril 2020 avoir saisi les procureurs de Pau et Bayonne du cas de deux soignants soupçonnés d’avoir poursuivi leurs activités tout en se sachant contaminés par la Covid-1917 . Des procédures pénales sont donc d’ores et déjà initiées par des dépôts de plainte mais très peu aboutiront. La faute constitutive d’un délit non-intentionnel doit être appréciée dans le contexte de sa commission. En cas d’expertise, il faudra apprécier le comportement du médecin au moment des faits et avec les connaissances acquises à ce moment. Les publications étant très nombreuses sur le COVID 19, il est important de se replacer dans le contexte. L’article L 3136-2 du code de la santé publique, créé par la loi n°2020-546 du 11 mai 2020, est ainsi rédigé « L’article 121-3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur ». Il s’agit d’une disposition liée à l’état d’urgence sanitaire qui n’a vocation à s’appliquer qu’à des faits commis pendant cette période. Cet article pourrait trouver à s’appliquer aux médecins dans le cadre des soins mais aussi en tant qu’employeur. En effet, les médecins s’interrogent sur le risque d’infection de leur secrétaire par exemple. Les juges seraient amenés à étudier in concreto le respect des mesures « barrière » lors de la reprise de l’activité médicale en tenant compte des contraintes et difficultés rencontrées par la personne poursuivie pour une faute non-intentionnelle. Il s’agit ici de la responsabilité pénale des décideurs chargés d’exécuter les mesures de l’état d’urgence sanitaire (les responsables d’établissements de santé par exemple), et non celle des politiques décidant de ces mesures18 . Au contraire de la responsabilité pénale, des procédures en indemnisation contre les établissements de santé pourraient aboutir en cas d’infection nosocomiale. On peut retenir une infection nosocomiale, si la pathologie s’est manifestée dans un délai compatible avec le délai d’incubation du SRAS-CoV-2, à condition évidemment de ne pas être admis à l’hôpital déjà infecté. Il existe une forte crainte de contaminer des patients qu’ils soient venus en consultation ou hospitalisés pour une pathologie sans lien avec le SRAS-CoV-2, d’où des urgences, des filières de consultation et des services d’hospitalisation spécifiquement dédiés au COVID 19. Sous réserve du délai d’incubation, l’infection nosocomiale sera facilement retenue, d’autant que les patients ne reçoivent plus de visite de leur entourage ! La crise sanitaire actuelle du SRAS-CoV-2 aura un impact sur les pratiques y compris d’expertise qu’il conviendra d’étudier. Nous aurons des expertises en lien direct avec le COVID mais aussi du fait de la problématique de la prise en charge des patients non COVID. Quelles sont les pertes de chances par déprogrammation des chirurgies « non urgentes » ? La notion d’urgence étant à géométrie variable. Les urgences vitales nécessitant une intervention chirurgicale dans les heures qui suivent, ont bien sûr été prises en charge durant toute la crise. Mais les urgences relatives sont fréquentes par exemple les interventions visant à soulager des douleurs, avec un risque de complications à plus ou moins court terme (Hernie discale, hernie inguinale, cholécystite aiguë, pontage coronarien…). Dans les hôpitaux et les cliniques, les interventions programmées ont été reportées sine die sauf pour la cancérologie et les urgences, depuis le 16 mars 2020. Cependant, le patient qui ne marche plus en attendant une arthroplastie de hanche et qui finalement va mourir d’une complication de l’alitement, pourra-t-il solliciter une perte de chance ? Qu’en sera-t-il de la responsabilité en cas de hernie étranglée alors qu’on a reporté l’intervention de cure de hernie inguinale ? On se promet de nombreux contentieux entre les procédures pour perte de chance de ne pas avoir prescrit l’hydroxychloroquine (par exemple !), le retard au diagnostic, le report excessif d’une intervention chirurgicale ou d’une exploration, par exemple la coloscopie plusieurs fois reportée et de ce fait, le diagnostic de cancer du côlon retardé. En tant qu’expert judiciaire, nous réalisons des expertises en responsabilité médicale pour les juridictions et les commissions de conciliation et d’indemnisation. Comment pourrons-nous porter un avis sur une prise en charge en cette période de crise sanitaire ? Certains ont dû mettre en œuvre des prises en charge dégradées non optimales dans le seul but de sauver le plus de monde possible. On a même transféré des patients en TGV ! Dans un communiqué du 3 avril 2020, l’Académie nationale de médecine rappelle les dangers des interruptions de traitement sans avis médical. De son côté, l’Ordre est très attentif à ce que la crise sanitaire engendrée par la pandémie au Covid-19 « ne s’accompagne d’une autre crise, silencieuse celle-ci, en rapport avec une forte croissance de la morbi-mortalité des affections au long cours et d’affections aiguës qui justifient pleinement d’une prise en charge médicale sans délai ». Comment les experts analyseront le recours à l’automédication ou en utilisant de manière inappropriée un traitement par un dépassement ou une réduction intentionnelle des doses prescrites ? La prescription de médicaments hors autorisation de mise sur le marché pourra soulever également des questions de responsabilité (l’hydroxychloroquine par exemple !). Nous serons également amenés à réaliser des expertises en responsabilité médicale dans le cadre de la télémédecine (par les médecins) et du télésoin (par des paramédicaux tels que les kinésithérapeutes par exemple19 ). Nous ne manquerons pas de missions d’expertises dans les années à venir et si enfin un vaccin est disponible contre le SARS-CoV-2, nous pouvons tabler sur d’immanquables procédures d’indemnisation suite à des effets secondaires du vaccin… Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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          Contributors
          Journal
          La Revue de Médecine Légale
          Elsevier Masson SAS.
          1878-6529
          1878-6537
          9 June 2020
          June 2020
          9 June 2020
          : 11
          : 2
          : 49-53
          Affiliations
          [0005]CHU d’Amiens, Consultation de médecine légale, 1, rue du Professeur Christian Cabrol, 80054 Amiens, France
          Article
          S1878-6529(20)30052-3
          10.1016/j.medleg.2020.05.005
          7280819
          206ec251-1e3e-4f5a-9804-60f6b8699074
          © 2020 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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